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(1999)
Mais
cest lui qui a commencé...
Tiens,
il y avait longtemps... Des échanges verbaux, pas vraiment
cordiaux, parviennent à nos oreilles. Bientôt, lorage
se rapproche de la cuisine où nous, les parents, sommes installés.
La grande soeur surplombe son petit frère, égraine
un chapelet de reproches en désignant sa trousse qui, selon
toute apparence et sans aucune vergogne, vient dêtre
lâchement détroussée.
Lui, le « gonflé », sait pertinemment
quil na pas le droit dy toucher, surtout sans
autorisation, mais une fois de plus, monsieur banalise. Ce qui a
pour effet de faire monter la rage de la plaignante dun cran,
et le ton de sa voix avec. Faussement indifférent, laccusé
provoque: « Avare! ».
Elle, vexée, menace: « Ne tétonne
pas si demain tu ne retrouves rien dans ton sac! ».
La dispute dégénère comme un feu de paille
et soudain les deux en viennent aux mains. Tant et si mal quà
la fin, nous les parents, nous nous sentons obligés dintervenir,
ne serait-ce que pour pouvoir continuer à entendre les informations
du Téléjournal. Remarquez quil est ridicule
de sinquiéter sur la nouvelle menace du conflit au
nord-ouest du Kosostan (nom fictif), à des milliers de kilomètres
de chez soi, alors que dans sa propre cuisine, le couvre-feu est
bientôt de rigueur!
- Stoooop! crie le père furieux en sadressant plus
particulièrement à laînée, de qui
il attend un geste raisonnable. Ça suffit maintenant!
- Mais cest lui qui a commencé, proteste celle-ci,
qui sélance dans le résumé dune
affaire apparemment très simple, opposant une sainte immaculée
à un irrécupérable démon.
Ce dernier attaque à son tour sa version des faits, et le
volume sonore montant, nous devenons les spectateurs « privilégiés »
dun duo assourdissant, rythmé par nos deux pugilistes
de service.
Nest pas roi Salomon qui veut, et nos apaisements nont
que peu deffets. De toute façon, si on tourne laffaire
en dérision, on protège effrontément « celui
qui a tous les droits parce quil est le plus petit »
alors que si on défend la position du plus fort, en loccurrence
laînée qui domine en âge, en kilos et en
centimètres (et qui, cela dit en passant, a le droit dempêcher
quiconque de toucher à son bien), une injustice totale est
dénoncée par le benjamin (à peine excessif
dans son discours) qui sécriera du haut de ses 11 ans:
« Je vais appeler S.O.S.-enfants, jen ai marre
de cette famille: ma soeur a toujours tout et moi jamais rien! ».
Et boom! En général, le dernier argument est ponctué
dune porte qui claque.
Si cest vers nous que les deux protagonistes se dirigent lors
de chaque dispute, comme si lanalyse de leur discorde passait
par notre regard, en principe neutre, souvent nous constatons quà
la fin, les deux nous boudent, chacun pour dautres raisons.
Et à chaque fois, jai limpression quon
sy est mal pris, quon na pas su être à
la hauteur du terrible rôle darbitre. Doù
le petit goût amer qui longtemps après subsiste au
fond de la gorge, alors que dans leur chambre les deux rejouent
déjà ensemble en toute complicité!
Jenny
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