ARCHIVES (1999)

Perplexité

Ça ne rate pas. Chaque matin, je trouve 2 ou 3 araignées qui patinent désespérément sur le fond de la baignoire. Le chalet serait un vrai paradis sans ces araignées qui me narguent quotidiennement.
Pourquoi j’en parle dans une rubrique consacrée à l’éducation et aux relations humaines? Parce que je me trouve confrontée là à un problème posé aussi bien par des adultes que par des enfants. Comprenez ma perplexité. Je sais que les araignées méritent d’être protégées. C’est une erreur de les craindre ou de les pourchasser.
Je me munis donc chaque matin d’une éponge. Je la leur présente avec précaution et respect, afin de les sauver de leurs glissades exténuantes. La plupart manifestent une grande reconnaissance et se hâtent de grimper sur cette planche de salut qui leur épargne un épuisement mortel. Quand elles sentent une surface qui résiste sous leurs pattes, il faut les voir détaler à toute allure, dans n’importe quelle direction, pourvu que ce ne soit pas du côté de l’émail traître de la baignoire.
Mais pas toutes, pourtant. Ce qui m’intrigue et me pose un véritable problème psychologique, c’est celles qui semblent refuser d’être délivrées de leurs efforts épuisants. Je leur présente mon éponge salvatrice. Elles grimpent dessus quelques secondes, mais s’empressent de retourner vers la surface glissante. Elles dérapent. Je les sauve une nouvelle fois. Elles repartent vers l’émail. Comme si elles n’avaient pas envie d’être libérées. Comme si elles préféraient se tuer à la tâche plutôt que d’opter pour la vie.
L’instinct du bonheur ne serait donc pas universel?

Marguerite Loutan

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