ARCHIVES (1999)

« Je ne demande pas, j’obtiens »

Avez-vous déjà croisé le regard d’un enfant qui se moque de votre position d’adulte et qui sait que, de toute manière, il aura ce qu’il veut? Ou alors le regard de celui qui s’étonne parce que vous avez osé lui dire non?
Avez-vous déjà entendu les cris typiques des enfants qui, n’ayant pas encore obtenu satisfaction, savent trouver la bonne intonation pour faire basculer la décision des parents? Ou avez-vous déjà rencontré l’enfant qui ne demande pas, mais exige ou pire qui - nouvelle version de la phrase célèbre de Picasso « je ne cherche pas, je trouve » - ne demande pas mais obtient?
J’en croise de temps à autres et je me dis que de trop gâter son enfant n’est vraiment pas un cadeau pour les autres ni bien entendu pour lui non plus, à long terme.
Je ne suis pas une spécialiste mais j’ai remarqué que l’âge charnière se situe souvent autour des 2 ans et demi. Jusque là, les enfants nous font craquer de toute manière, qu’ils obéissent ou non. Arrive alors ce fameux âge où les enfants nous provoquent, histoire de tester nos limites. Si à ce moment-là, ils n’en rencontrent pas ou seulement de très floues, ces petits chéris peuvent se métamorphoser en vrais tyrans. Leur monde à eux prend toute la place et le respect des désirs des autres est tout simplement ignoré par manque de connaissance.
Il est évident que c’est un plaisir pour un enfant d’obtenir ce qu’il désire, et c’est important. L’enfant se sent valorisé d’avoir su convaincre ses parents de son bon choix ou bon droit. C’est aussi important qu’un adulte sache se reprendre et changer d’avis. Nos positions de parents sont encore plus solides si elles ne sont pas inébranlables. Mais quand tous les désirs ou presque peuvent être assouvis et que cela devient une habitude, les relations avec les autres commencent à se dégrader, car, à l’extérieur de la famille, cette situation est simplement irréaliste et irréalisable.
Ces limites sont difficiles à choisir et à tenir et cela doit l’être encore plus pour les personnes qui élèvent seules leurs enfants. Chez nous, cela se passe par vagues. De temps à autres, il faut serrer la vis, puis nous nous relâchons et petit à petit nous nous laissons déborder. Alors nous reprenons les choses en main et souvent je remarque que nos enfants s’en portent d’autant mieux. Cela était encore plus manifeste quand ils étaient plus petits.
Je dis parfois à mes enfants: « après tout, je suis payée pour ça ». Ils rigolent, sachant bien que le salaire de parents n’existe pas. Pourtant, c’est un peu comme cela que je le ressens. C’est mon job, c’est l’engagement que j’ai pris en faisant des enfants et je ne vois pas d’autres chemins possibles pour qu’ils comprennent que pour vivre sur cette terre le mieux possible, il faut arriver à respecter et à reconnaître les autres et bien sûr, tout ce qui nous entoure.

Julie

« Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de rien et de personne, alors, c’est là en toute beauté et en toute jeunesse le début de la tyrannie. » (Platon)

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